La porte de la chapelle de la commanderie de Rosson de l’Ordre de Saint Lazare de

Jérusalem au Verdier, Commune de Pleaux (réemploi),

 

L’Ordre de Saint Lazare de Jérusalem

L’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem est un ordre hospitalier fondé à Jérusalem aux XIe ou XIIe siècle pour accueillir les pèlerins atteints de la lèpre. Par la suite il deviendra un ordre militaire associé aux croisades et à la défense des états latins d'Orient. Après la perte de la Terre sainte, les chevaliers se regroupent en France autour de leur grand maître à la commanderie de Boigny. Henri IV fusionne l’ordre de Saint Lazare avec le nouvel Ordre de Notre Dame du Mont Carmel avec comme mission de pourchasser les Barbaresques, d’administrer toutes les léproseries du Royaume mais aussi de participer à la guerre navale contre les Anglais en armant six frégates à Saint Malo. Tous les biens de l’Ordre seront confisqués à la Révolution et après quelques avatars malheureux sous la Restauration, l’Ordre disparaitra complétement suite à la Révolution de 1830. En plus de la France où elles étaient au nombre d’une dizaine, il existait des commanderies de l’Ordre en Angleterre, Écosse, Allemagne, Hongrie, Espagne, Italie, Suisse et Flandres.

Brève histoire de la commanderie de Rosson

La commanderie de Rosson (paroisse de Pleaux) de l’Ordre Militaire et Hospitalier de Saint Lazare de Jérusalem et son annexe du Pasturat en Aveyron ont été fondées par Sanguinie de Rosson épouse d’Hugues de Carbonnières et dotée par les Comtes de Rodez et la maison de Biorc dans la première moitié de 13ème siècle. Son existence est attestée par un hommage rendu au Seigneur de Carbonnières le 12 mai 1282 par le Grand Maitre Thomas de Sainville en la maison conventuelle de Boigny, siège de l’Ordre. Ses biens et sa juridiction s’étendaient sur une dizaine de villages des communes de Pleaux et de Saint Christophe (Vabres, Limonès, Lavergne, Beaujaret, Prades, Le Verdier, Lineth et Méjanaserre) ce qui en faisait une seigneurie assez importante avec droit de justice y compris celui de dresser des fourches patibulaires.
De l’avis des historiens de Saint Lazare, il s’agit d’une des plus anciennes commanderies de l’Ordre qui en compte très peu. Voir à cet égard l‘ouvrage classique de Gautier de Sibert sur l’histoire de Saint Lazare (Paris Imprimerie Royale 1772) qui lui consacre plusieurs pages. Passée un temps à l’Ordre de Saint Augustin (bref de Léon XI du 12 avril 1605), la commanderie de Rosson revint dans le giron de Saint Lazare en 1643 sous le préceptorat du commandeur Dom Balthazar de Lemps qui en confia le temporel aux Carmes de Pleaux ; elle fut vendue comme bien national en 1794 (voir infra)

Les bâtiments de la commanderie

Détruite en partie pendant la guerre de Cent ans, reconstruite en 14521 puis à nouveau malmenée pendant les guerres de religion, la commanderie est restaurée en 1640 lorsque le chevalier de Lemps, commandeur de Rosson, donne à bail2 le temporel de la commanderie aux frères Carmes de Pleaux à charge pour eux de remettre la chapelle en état et d’y dire la messe. Ce qui fut fait quinze ans après en 1655 puisque le curé de Pleaux chargé par l’évêque de Clermont d’inspecter la chapelle « la trouve bien réparée, close et fermée, décemment ordonnée et meublée d’ornements propres et nécessaires pour célébrer la sainte messe... ». Cette embellie fut cependant de courte durée puisque lors de sa grande tournée pastorale de 1779, Mgr de Bonal constate que « la chapelle ne mérite pas que l’on y célèbre les saints mystères ; que l’autel adossé à une cheminée de la cuisine a un crucifix indécent et un tableau ridicule (?) ; que le confessionnal est irrégulier et le pavé défectueux » et qu’il importe en conséquence de remédier promptement à cette situation ...

On ne sait si les préconisations de l’évêque furent suivies d’effets. Toujours est – il que le destin de la chapelle de Rosson fut définitivement scellé quelque temps après lors de sa vente comme bien national le 15 août 17943 à un dénommé Michel Breuil qui s’empressa de la démolir pour construire avec les matériaux une maison à La Gineste sur la commune d’Arnac. Survécurent quelques épaves du mobilier au nombre desquelles un groupe sculpté en bois représentant Sainte Anne et la Vierge ainsi qu’une croix ancienne longtemps conservée à la Gineste. Cette statue et la croix ont aujourd’hui disparu. Quant aux bâtiments proprement dits ou ce qu’il en restait, ils ont été détruit ou transformé en exploitation agricole sans caractère.

La porte de la chapelle

Seul le tympan et les montants de la porte gothique de la chapelle ont échappé à ce naufrage et se trouvent aujourd’hui sur une maison en ruines au hameau du Verdier, commune de Pleaux. Tout à fait caractéristique des modestes chapelles domestiques de cette époque appartenant aux Ordres hospitaliers (voir la porte de la chapelle de l’Hôpital de Chanfranchesse sur la commune de Besse), cette porte simple et élégante date probablement de la reconstruction de 1452. Elle est aujourd’hui menacée en raison de la dégradation accélérée du mur où elle est encastrée avec le risque que le tympan se brise lors de sa chute (voir illustrations).

Un sauvetage s’impose donc. Compte tenu du délabrement du bâtiment où elle se trouve, la meilleure solution consisterait, avec naturellement l’accord du propriétaire et moyennant une juste indemnisation, à déplacer la porte en un lieu à déterminer dans la partie ancienne du bourg de Pleaux, préférablement près de l’église. Cette solution aurait le grand avantage de la mettre en valeur ainsi que son nouvel environnement urbain, tout en respectant la vraisemblance historique. En effet, la porte date sensiblement de la même époque que la reconstruction de l’église Saint Sauveur (deuxième moitié du 15ème) et la toponymie des lieux - présence d’une ancienne place d’Enroussou (patois pour Rosson) - laisse penser que les chevaliers de Saint Lazare possédaient une maison de ville à l’intérieur du bourg située dans les parages de l’église ( là-dessus voir de Ribier « Les chevaliers de Saint Lazare de Jérusalem en Haute Auvergne – La commanderie de Rosson Aurillac Bancharel 1901 , page 19 ) . L’intérêt esthétique et historique de la porte en question est confirmé, s’il en était besoin, par le fait qu’elle a tenté le pinceau des peintres (voir illustrations) et que sa photo figure dans plusieurs ouvrages érudits consacrés aux Ordres hospitaliers (voir Rafael Hyacinte, « l’Ordre de Saint Lazare de Jérusalem au Moyen Age », page 135, figure 86 et Bernard Vinatié « Les hospitaliers de Saint Antoine en Haute Auvergne » page 107).

Cet intérêt manifesté récemment par la communauté érudite renforce l’opportunité d’une mesure de sauvegarde qui ne semble pas poser de problèmes insurmontables.

 

Illustrations

 

porte commanderie01Porte de la chapelle - Claudine Sabatier (2015) porte commanderie02Porte de la chapelle Dessin Raymond Mil (circa 1930)

 

porte commanderie03Porte de la chapelle in Rafael Hyacinte
« L’Ordre de Saint Lazard de Jérusalem au Moyen Age » (2003)

 

porte commanderie04Porte de la chapelle in Bernard Vinatier
« Les Hospitaliers de Saint Antoine en Haute Auvergne » (2016)

 

porte commanderie05Lauze provenant du toit de la chapelle (?) porte commanderie06Armoiries de l’Ordre de Saint Lazare

 

1 Gallia Christiana vol 7 1744 page 1050.

2 Bail transformé en emphytéose en 1675.

3 Bien national ayant appartenu selon le procès- verbal au ci - devant comte d’Artois (futur Charles X) alors qu’il s’agissait en réalité du comte de Provence (futur Louis XVIII) , Grand Maitre de l’Ordre de Saint Lazare au moment de la Révolution.