La promenade du bœuf gras
à Pléaux ( et ailleurs) dans la première moitié du XXème siècle.
D'aucuns n'hésitent pas à faire remonter la tradition de la promenade du bœuf gras aux Egyptiens, Mais le taureau Apis n'était pas un bœuf … D'autres ont voulu y voir une survivance des Panathénées où l'on conduisait des bovins enguirlandés en procession jusqu'au Parthénon où ils étaient égorgés. Chez nous, comme dans le reste de l'Europe médiévale, le bœuf gras ne passait pas par l’église et la fête ne revêtait aucune connotation religieuse. Ce qui fait dire à Van Gennep[1] que le bœuf gras est une fête strictement laïque, propre à la confrérie des bouchers, plus urbaine que rurale, peut être aussi vieille, mais pas plus, que la corporation médiévale des bouchers. Quant au jour de sa promenade, il varie selon les villes ; c'était tantôt le Mardi-gras ou le Jeudi-gras, ou plus rarement la Mi-carême.
A Paris, la puissante corporation des bouchers voyait dans cette cavalcade un moyen de promouvoir la vente de ses produits. Après sa prestation, le Bœuf gras (le vainqueur du concours), était abattu, débité puis distribué aux malades des hospices et autres personnes exemptées par l'Eglise de carême. C'était toute la corporation des bouchers qui défilait ce jour-là au son des tambours et trompettes ; le bœuf sélectionné parmi les plus beaux sujets de l'élevage normand était richement enguirlandé souvent monté par un enfant figurant l'amour, allégorie du renouveau. Pour faire bonne mesure, des Romains, Bacchus en tête, complétaient le cortège qui comprenait aussi des sacrificateurs avec leur massue et toute une farandole carnavalesque. Comme on le voit, la promenade du bœuf gras tenait plus d'une caravane publicitaire que d'une procession. La tradition de ce pittoresque défilé durera jusqu’au début du XXème siècle dans les rues de Paris, le bœuf étant finalement remplacé dans les dernières années par une effigie gigantesque montée sur un char,
Dans les campagnes comme à la ville la tradition du bœuf de Pâques remonte au Moyen Age où la viande de bœuf, jugée d’une qualité supérieure aux autres, était réservée pour la fête marquant la fin du jeûne. Sur la photo ci – contre, on voit la promenade du Bœuf dit de Pâques dans le Forez.
Il annonçait (à son corps défendant), la fin du carême également marquée par les œufs durs teints, pondus durant la semaine sainte, que "toquaient" les enfants l'un contre l'autre, ou qu'ils "roulaient" dans un pré en pente parfois poussés – comme ici- par des maillets de croquet. On l’appelait ici ou là le bœuf « vilé » pour bœuf promené par la ville ou bœuf « viellé » et même « violé » car promené au son de la vielle ou de la viole. Quant au bœuf de Pleaux, il était, si on peut dire, « cabretté » !
En effet Pleaux respectait bien évidemment la tradition et on peut voir sur le document ci-dessous (collection de Jacques Roubertou) le cortège devant l’ancienne boucherie Canis dans la rue des tours. Comme à Pléaux, on faisait les choses en grand, ce n'est pas un, mais deux bœufs - pas si gras que ça d'ailleurs ! - que l'on promenait par les rues de la ville au son de la cabrette. Sur la photo, c'est Guillaume Dumont dit Fantou, le fameux cabrettaïre d'Ally, célébrité locale… et internationale[2] qui s’apprête à mener le cortège. A noter que pour l’occasion Fantou semble jouer de la cabrette à bouche (sans soufflet) qu’il devait offrir plus tard à Raymond Mil chez qui nous avons pu la voir.
Abandonnées dans les campagnes au milieu du XXème siècle, ces coutumes n’ont pas tout à fait déserté le Cantal puisqu'à la Feuillade en Vézie depuis 2011, le mois de mars, voit revenir le Bœuf gras et la chasse aux œufs accompagnés d'une grande vente aux enchères de bovins de boucherie. A signaler également La fête des Bœufs gras de Pâques dite aussi Fête des Tersons d'Aubrac, à Pierrefort. On y déguste le pot au feu dans les restaurants de la ville où le bœuf gras termine sa promenade…
Roland Sabatier